François a dû aller me rechercher en
catastrophe !
Je regardais comme cela, tranquillement, quand
tout à coup…
Le titre de cette historiette est… Attendez un
peu… Oui ! Elle s’intitule « Les pattes mouillées » et elle
fait partie du tome 1 si je me souviens bien.
Voyons… Exact !
Tenez, la voilà (c’est François qui parle cette
fois-ci) :
Ce
matin, nous allons faire découvrir la mer à Po-Paï. Plus
exactement, le bord de mer car il n’est pas prudent de
laisser un chiot en liberté près des vagues. Catherine
recommande d’aller à l’embouchure du Var. Elle y a repéré un
sentier où l’on pourra promener notre chow-chow tranquillement
en laisse.
Arrivés
sur les lieux, je propose de détacher Po-Paï pour qu’il puisse
marcher en liberté.
« Non,
il va avoir les pattes mouillées ! » objecte Catherine.
Qu’est-ce que cela peut bien faire qu’il ait les pattes
mouillées. Avec ce beau soleil radieux et ce petit vent chaud,
ses poils sècheraient très vite dans le pire des cas. Tout
cela, je l’ai pensé, je ne l’ai pas exprimé oralement. Je me
suis tu : inutile de faire de réflexions désobligeantes par ce
merveilleux lundi de Pentecôte où tout, autour de nous,
respire le bonheur de vivre. Et de toute façon, Catherine a
toujours raison.
Nous
sommes sur une plage de galets à l’endroit même où le Var se
jette dans la mer. Po-Paï a l’air d’avoir peur des vagues et
par précaution, je le dirige avec la laisse vers un minuscule
espace sablonneux formé par l’eau du Var.
« Attention qu’il ne se mouille pas les pattes ! Elles vont
ensuite être pleines de sable. »
Je ne
réponds toujours pas. Quelle réponse intelligente voulez-vous
faire face à une telle remarque ? Que cette eau-là ne mouille
pas ? Que les pattes mouillées pour un chien c’est une
situation fréquente ? Que j’achèterai des bottes en caoutchouc
pour Po-Paï ?
Ne
rétorquons pas. Il faut comprendre Catherine : elle a pris la
peine de brosser soigneusement Po-Paï avant de partir et, tout
à fait logiquement, elle tient à ce que sa petite peluche
vivante donne en permanence l’impression de participer à un
défilé de mode.
J’ai failli lui
demander si moi, j’ai l’autorisation de me tremper les pieds,
mais j’ai renoncé. Je suis habillé en jeans et tennis ; avec
cette température plus que clémente, cette tenue vestimentaire
tient chaud. Je propose que nous nous asseyions près de l’eau
pour nous reposer un peu et laisser Po-Paï fureter aux
alentours. Nous sommes dans un coin relativement désert, il ne
peut pas se sauver donc, d’autorité, je lui détache la laisse.
- Il
risque de se mouiller…
- Les
pattes ! Oui, je sais ! C’est la troisième fois que tu le
dis !
Catherine, toujours très conciliante, stoppe net sa phrase et
ne rajoute plus rien. Heureusement, car je crois que dans la
foulée, je lui aurais clairement spécifié qu’elle nous les
casse (les pattes).
L’incident est clos. Je m’apprête à m’asseoir, à rester
tranquille, et à respirer religieusement l'air frais venant du
large.
Po-Paï
s’approche de l’eau du Var et lape. Catherine ne dit rien,
elle regarde passivement. Il ne boira pas l’eau longtemps de
toute façon puisqu’elle est salée. D’autre part, inutile de
s’inquiéter outre mesure puisque j’ai lu dans un livre que les
chows-chows n’aiment pas l’eau. Il est d’ailleurs fortement
déconseillé de les doucher souvent : une à deux fois par an,
pas plus. Vous vous êtes tous aperçus que je me suis bien
documenté sur le comportement des chows-chows et mes
connaissances livresques sont à ce jour très impressionnantes
en la matière. Je ne sais pas encore tout mais une grande
partie, assurément. Suffisamment en tout cas pour afficher une
mâle assurance. J’en réponds : Po-Paï craint l’eau car les
chows-chows craignent l’eau, c’est écrit dans les livres.
Je suis
un peu contrarié d’avoir coupé la parole à Catherine un peu
trop sèchement. En aucun cas, elle ne mérite pareil
traitement.
Un peu
pour me faire pardonner, je me dirige vers Po-Paï en
m’apprêtant à lui dire :
« Ne
t’approche pas trop, tu vas te mouiller les pattes. »
Ainsi,
l’honneur sera sauf pour Catherine. Ce ne sera jamais que la
quatrième fois que Po-Paï entendra cette mise en garde mais
lui, il s’en fout puisqu’il n’enregistre que ce qu’il veut
bien. Moi, je fais cette réflexion uniquement pour plaire à
Catherine. En réalité, je ne pense pas un traître mot de ce
que je m’apprête à dire.
Pour
toujours, ce ne sera qu’une intention : tout à coup j’entends
« plouf ! ». Médusé, je vois une boule de poils nager !
Nager et se diriger vers le milieu du courant !
-
Po-Paï !
C’est
moi qui viens de hurler.
Un
dixième de seconde pour prendre une décision et :
« Replouf ! »
C’est
moi qui viens de sauter dans l’eau.
« Schplaff !
Schplaff ! Schplaff ! »
C’est
moi et Po-Paï qui sortons de l’eau.
Impassible sur la berge, Catherine regarde et a le même
sourire que La Joconde. C’est ce que j’ai pensé à ce
moment-là, je le jure. C’est une madone cette femme, elle a le
don de la prédilection, elle méritait de poser pour Léonard de
Vinci. Pour sûr qu’en voyant cette scène, il aurait été
inspiré et aurait peint un tableau intitulé : « La Scène ».
Drôle de
scène en effet que celle à laquelle vient d’assister
Catherine. Son petit sourire énigmatique s’est transformé en
rire franc. Je ris également pour ne pas avoir trop l’air d’un
imbécile. Pour Po-Paï, on a vu qu’il sourit toujours et là, je
crois qu’il s’esclaffe carrément, fier de sa prouesse.
Bilan de
l’opération : Po-Paï est un excellent nageur ; vêtements
mouillés jusqu’aux genoux pour moi ; pour Catherine,
confirmation de ce qu’elle craignait : son chien s’est mouillé
les pattes.
Plus
précisément, il n’y a que la tête de Po-Paï qui n’est pas
trempée.
« Il a
l’air tout maigrichon comme cela ! » s’extasie Catherine.
La belle
fourrure de notre petit lion est toute dégoulinante, en
effet, et quand je vois sa tête d’espiègle, j’ai bien
l’impression qu’il y retournerait dans cette flotte.
En
somme, si je résume : un chow-chow ça n’aboie pas, ça reste
calme, ça sourit toujours et… ça nage. Qu’est ce
qui m’attend encore ?
J’ai
enlevé mes chaussures, mes chaussettes et mon pantalon pour
les faire sécher au soleil. Nous sommes restés une petite
heure à cet endroit, le temps que les poils de Po-Paï sèchent
correctement. C’est ce qui s’est produit assez facilement pour
lui. Moi, je suis rentré avec des « flops ! flops ! »
caractéristiques de quelqu’un qui marche nus pieds dans des
chaussures imbibées d’eau.
Catherine n’a pas arrêté de me mettre en garde contre les
pattes mouillées de Po-Paï et en fin de compte, qui se
retrouve dans cette histoire avec les pattes mouillées ?
Catherine ! Tu ne pourrais pas me le dire quand tu as raison ?

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