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Le quartier à la loupe

 

            Ce même jour, le 19 avril, je me suis surpris à me livrer à un curieux recensement. J’ai parcouru le quartier à la loupe pour repérer les endroits dignes de Toi et aptes à recevoir Tes pipis et cacas.

 

            C’est bien ce qui me turlupine le plus : habiter un appartement sans même avoir un malheureux jardinet à disposition. J’ai moi-même eu beaucoup de difficultés à m’habituer à vivre au sixième étage d’un immeuble fort confortable cependant. Cette résidence a beaucoup d’atouts : espaces verts entretenus, piscine, vue sur la mer, à l’écart du centre ville, pas de circulation automobile. Et tout cela avec le prestige d’habiter Nice et de bénéficier de l’exceptionnel climat de la Riviera. Tu te rends compte de la chance ?

            A moi, il manque quand même un espace vital : un jardin à entretenir, une pelouse, un potager, n’importe quoi mais quelques dizaines de mètres carrés de sol qui seraient à Toi, bien à Toi. C’est bien ce qui m’a préoccupé le plus quand Ta venue a été envisagée. Un chien va nécessairement avec un jardin. J’ai sans doute tort de raisonner ainsi mais que veux-Tu : j’ai toujours ressenti par atavisme le besoin de toucher et sentir la terre fraîche.

            Je sais que j’ai tort de me cantonner à ce point de vue car si tout le monde adoptait la même position, la France aurait plus de la moitié de chiens et chats qui ne seraient pas adoptés. J’ai toujours été un peu claustrophobe et n’ai jamais pu rester enfermé bien longtemps dans des cages en béton. Partant de cette constatation, je ne veux pas que ceux que j’aime ressentent la même chose.

            Je me suis donc surpris aujourd’hui à inspecter méthodiquement les abords de la résidence. Chaque centimètre carré compte lorsqu’on habite Nice, il suffit de le constater en pataugeant dans cette mélasse permanente qu’ils osent désigner par « circulation automobile ». Et faut les voir s’engueuler à longueur de journée ! Si Tu les voyais, sans nul doute me dirais-Tu qu’ils se comportent comme « hommes » et chats.

 

            Mon Pauvre Vieux ! j’en n’ai pas vu beaucoup de plates bandes où Tu pourras gambader librement ! En sortant de l’appartement, je Te garderai en laisse avec précaution pour T’empêcher de piétiner les crottes de Tes congénères. Les quelques rares parties communes de la résidence où pousse un gazon entretenu sont devenues des pissotières et "crottoirs" où il ne fait pas bon s’aventurer surtout avec quatre pattes. Moi, je n’en ai que deux et il m’arrive parfois de marcher dans le « bonheur ». La probabilité que cela se produise chez Toi est mathématiquement deux fois plus importante. Je comprends mieux pourquoi Catherine me demande souvent d’enlever mes « écrase-merde » le soir dans l’appartement pour ne pas salir la moquette. Ira-t-elle jusqu’à Te mettre des chaussons spéciaux pour aller faire Tes besoins ?

            Mon Pauvre Vieux, mon Pauvre Vieux ! Quelle promiscuité ! j’en ai toujours souffert et je sens que ce sera pire avec Ta venue. Je rêve d’une maison isolée dans l’arrière pays avec des hectares d’espaces libres où nous pourrions nous ébattre. Je Te les montrerai ces endroits magiques où les hommes ne se marchent pas sur la tête les uns, les autres.

            Nous avons pourtant un superbe parc botanique juste à côté : il est interdit aux animaux. Je suis en train de l’observer à cet instant précis. Je cherche du regard un endroit discret où je pourrai découper la clôture afin que nous puissions nous y glisser discrètement. Je pense que j’ai trouvé ; j’irai tout à l’heure avec une pince coupante commettre mon forfait.

 

            Ceci étant, je ne vois pas grand chose aux abords de la résidence en espaces verts spacieux. Rien que des bouts de « chiquette » de terrains tout juste bons à être aspergés d’urine à la sauvette. Pour la grosse commission, il faudra bien trouver un coin acceptable. Heu !… dis donc : c’est gros comment le caca d’un chow-chow ? Tu n’es pas encore là et Tu me fais traiter déjà des sujets bien merdiques.

            Avoue tout de même avec moi que je ne peux pas systématiquement T’emmener en voiture lorsque Tu auras une envie pressante ! Je ne vais quand même pas t’emmener chier en voiture en me faisant (la même chose) dans la circulation ? Si ? Bon, alors je le ferai ! Nous en profiterons pour faire de longues, longues, longues balades.

 

            Pourtant, pourtant… Il y a bien un endroit que j’ai repéré à six ou sept minutes de marche d’ici. Je l’ai vraiment bien remarqué tout à l’heure en passant devant en moto parce que j’ai fait l’effort d’observer. Il y a en effet un petit jardin public à très peu de distance de chez nous dans lequel je n’ai jamais mis les pieds. Ce sont des endroits que je ne fréquente pratiquement jamais. Avec Ta venue, il semble que je devienne un peu moins sélectif. Nous irons voir avec Catherine ce que vaut ce petit espace de jeux réservé en principe aux enfants en bas âge. Après tout, pendant un moment encore, Tu resteras bébé, non ?