La religion des poilus

            Je suis un peu inquiet Raï-Ma. Ces derniers temps, lorsque j’entends parler Catherine et François, je remarque qu’il y a un mot qui revient souvent dans leur bouche : le mot GUERRE. Guerre par-ci, guerre par-là, ils ne parlent que de cela.

            Ils regardent aussi très souvent la télévision. Le poste de radio fonctionne également très souvent alors qu’ils ne le faisaient marcher que très rarement avant. Moi le petit chow-chow, je perçois comme une atmosphère d’angoisse autour de moi. Depuis le 11 septembre 2001, date de l’attentat terroriste à New-York, quelque chose a changé autour de nous, et ailleurs ce doit être la même chose. Et du côté de chez toi Raï-Ma, tu as la même sensation ?

            J’essaie de m’intéresser à tout cela mais je ne comprends pas tout Raï-Ma. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il y a des humains qui font la guerre en ce moment. Ils se haïssent, ils se battent et ils meurent. Il y a beaucoup de victimes et de larmes. Ils se comportent comme des animaux sauvages. Même nous les chows-chows, lorsque nous nous battons, nous n’arrivons pas à provoquer autant de drames que ceux que l’on voit parmi l’espèce humaine.

            Pourquoi font-ils la guerre ? Je ne le sais pas en réalité. J’entends parler de troisième guerre mondiale, de guerre de civilisations, de guerre de religion, de l’Orient contre l’Occident, de pauvres contre les riches, de Dieu, de guerre sainte, d’infidèles, de la Bible et du Coran… Je n’y comprends vraiment plus rien. A la télé, on ne voit que des barbus. Je n’ai jamais vu autant de barbus de ma vie. Je ne savais pas que certains hommes arrivaient à être presque aussi poilus que moi, Po-Paï.

            Après le mot « guerre », c’est le mot « religion » qui est le plus souvent prononcé. Te souviens-tu Raï-Ma que j’ai déjà abordé le thème de la religion précédemment ? J’ai notamment parlé de la Bible et j’ai donné mon point de vue là-dessus. Cette fois-ci, j’ai voulu en savoir un peu plus à propos d’un autre bouquin qui existe et qu’ils appellent « le Coran ». Je suis allé voir François pour lui demander de quoi il s’agit. Je veux absolument savoir, tu comprends Raï-Ma ?

            Voilà la conversation que nous avons eue, mon ptimète et moi :

- Dis François, c’est quoi le Coran ?

- C’est un bouquin comme la Bible.

- On y raconte la même chose que dans la Bible ?

- A quelque chose près, oui.

- Pourquoi il y en a deux alors ? Un seul suffit.

- Parce que… Oh ! dis Po-Paï, arrête de m’enquiquiner !

- Du calme François. On ne va pas se faire la guerre à cause de la Bible et du Coran. Explique-moi pour que je comprenne. Je connais déjà la Bible. C’est un livre qui vous permet, à vous les hommes, de connaître l’amour sur Terre. Le but du Coran, c’est le même ou pas ?

- Oui.

- Bon, et bien voilà déjà une chose. Tu vois bien : si je pose les bonnes questions, tu peux répondre uniquement par oui ou par non. On continue comme ça ?

- Oui.

- Bien ! Alors réponds-moi : dans la Bible, il est question d’un Dieu. Dans le Coran aussi ?

- Oui.

- C’est le même ?

- Non.

- Et tous les deux ont décidé de se faire la guerre ?

- Non. Euh…, oui et non.

- Il faut savoir ! On a dit que tu me répondais soit « oui », soit « non » mais pas les deux à la fois. J’annule ma question précédente, tu es d’accord ?

- Oui.

- Bon ! Ces deux Dieux se connaissent au moins ?

- Oui…

- Ils sont frères ?

- Presque.

- Non ! Tu me réponds par oui ou par non. Dès l’instant où tu introduis une nuance, ce n’est plus clair dans mon esprit. Vous les humains, vous êtes des gens très compliqués. Moi le chow-chow, je veux bien essayer de comprendre mais laissez-moi diriger le débat. Ils sont frères ou ils ne sont pas frères ?

- Non.

- Ils ont un parent commun ?

- Oui.

- Comment s’appelle-t-il ?

- …

- Alors, tu réponds ?

- Tu m’as dit de répondre seulement par oui ou seulement par non. Il s’appelle ni Oui ni Non ce gars-là, alors tu comprendras que…

- Bon !, on abandonne le oui et non. Alors, comment s’appelle-t-il ?

- Gabriel.

- C’est le père des deux Dieux ?

- Pas vraiment.

- C’est qui alors ?

- Un archange.

- C’est quoi ?

- C’est un ange d’un ordre supérieur.

- Il y a des gradés parmi les anges ?

- En quelque sorte, oui.

- Et qu’est-ce qu’il a fait ce Gabriel ?

- Au départ, c’est un ange de la tradition juive et chrétienne. Dans l’Evangile, Gabriel annonce la naissance de Jean-Baptiste et de Jésus. La littérature en fait un archange.

- Et pour le Coran, il intervient à quelle époque ?

- Vers 610 après Jésus-Christ.

- Ça vit plus de six cents ans un archange ?

- Un archange, comme un ange, n’a pas de date de naissance et il ne meurt jamais.

- Bon… Ils peuvent intervenir n’importe quand alors ?

- Oui.

- Bon, écoute François : Dieu le Père, Jésus, Ancien Testament, Nouveau Testament, Bible et Evangiles, je sais déjà ce que c’est. C’est une histoire de bouquins que l’on remanie sans arrêt suivant l’humeur du moment.

- Si tu veux.

- Un peu comme s’il te prenait l’envie de remanier les bouquins que tu as écrits sur moi. Au lieu de les appeler « Notre chow-chow n’est pas un chien », tu pourrais les appeler « Notre labrador n’est pas un chien ».

- Oui, c’est une bonne image.

- En somme, le chow-chow correspondrait à la Bible et le labrador au Coran.

- Ta comparaison est judicieuse Po-Paï.

- Et ce Coran alors, c’est quoi ?

- C’est le livre sacré des musulmans, parole d’Allah transmise à Mahomet par l’archange Gabriel. Il est écrit en arabe et se compose de 114 chapitres. Il est le fondement de la civilisation musulmane, la source du dogme et de la loi de l’islam (charia).

- Oh la ! Oh la ! Ne va pas trop vite ! Qui est Allah et qui est Mahomet ?

- Allah est le dieu unique des musulmans.

- Pourquoi n’as-tu pas mis de « D » majuscule à « dieu » ? Leur dieu est moins bon que le nôtre ?

- Parce que « Dieu » avec une majuscule désigne le nôtre, le seul, puisque nous considérons qu’il n’y a qu’un Dieu. Dès l’instant où il y en a d’autres, on met une minuscule.

- Qu’est-ce que vous êtes compliqués vous les humains !

- Oui Po-Paï.

- Bon, continuons ! Alors, dans toute cette bande, où en étais-je ? Ah !, oui : et un musulman, c’est quoi au juste ?

- Quelqu’un qui croit à la religion de l’islam.

- Et l’islam, c’est quoi ?

- C’est la religion des musulmans.

- Dis François ! Arrête de me faire mordre ma queue. Dis-m’en un peu plus sur l’islam s’il te plaît.

- C’est précisément la religion dont tous les principes sont expliqués dans ce fameux bouquin appelé le Coran.

- Bon, on en revient au Coran. Attends, il me manque encore un maillon : qui est Mahomet par rapport à Allah ?

- C’est un gars qui a vécu vers 610, qui a reçu la visite de Gabriel, qui lui a expliqué que Allah est le seul Dieu qu’il fallait vénérer et que pour ceux qui n’auraient pas compris, il suffisait de bouquiner le Coran. Mahomet est ce que l’on appelle un prophète, c’est-à-dire quelqu’un qui parle au nom de Dieu.

- On en revient à Gabriel donc.

- Oui. C’est le lien commun à la Bible et au Coran.

- Quelle soupe ! En somme, la tambouille est à peu près la même dans la Bible que pour le Coran ?

- Oui, à peu près.

- Ben alors… Pourquoi ne pas faire un seul et même livre et ne pas se faire la guerre à propos de bêtes paperasseries ?

- Si quelqu’un écrivait également quatre mille pages comme je l’ai fait sur un autre chow-chow nommé Nestor, serais-tu jaloux de Nestor ?

- Peut-être.

- Très certainement. Tu as là une grande partie de l’explication du conflit entre le monde arabe et l’Occident.

- Bon, admettons. Dans tout ce bazar François, il y a autre chose que j’aimerais comprendre.

- Vas-y.

- Dans toutes vos histoires, j’ai l’impression qu’il s’agit de guerre entre des barbus et des non barbus. Tous ceux qui ont leur nez plongé dans le Coran ressemblent à cela :

Sachant que moi, je ressemble à ceci :

Crois-tu François que moi aussi je pourrais être le prophète et démarrer une nouvelle religion ?

- Oui, tu pourrais. Et ton archange Gabriel ce sera moi.

Po-Paï

Nice, le 27/10/01