Histoire
d’amour pipi-caca
Je viens de voir la scène d’un film à la télévision
Raï-Ma. Cette scène n’a duré que cinq secondes mais un détail a attiré mon
attention.
J’ai souri… J’ai souri et par la
suite, je n’ai plus du tout accordé la même attention à ce film qui se voulait
être une étude psychologique approfondie des états d’âme amoureux d’une femme
battante.
Il y a comme ça dans la vie des détails qui
décrédibilisent une situation en une fraction de seconde. C’est le cas ici. Une
scène manquant d’attention et « pfout ! », je ne manifeste plus aucun intérêt
pour ce que je regardais et je classe le tout dans la catégorie « pipi-caca ».
Précisément Raï-Ma, c’est de cela qu’il s’agit :
pipi-caca !
Il ne faut pas trop se moquer de cette expression car
vous avez vite fait de glisser dedans sans vous en rendre compte.
Précisément Raï-Ma, glisser dedans : c’est ce que l’héroïne du film a
failli faire !
Je te raconte par le détail.
Pendant une heure de film, on suit passionnément le
déroulement d’une histoire que les humains adorent traiter : les amours
tumultueuses entre une femme et un homme. Le personnage central est une femme
qui joue des pieds et des mains pour conserver l’affection de l’homme de sa vie.
Elle est tantôt enjôleuse, tantôt énervée, tantôt énergique et surtout :
amoureuse. Le réalisateur du film l’a voulu ainsi : cette femme doit dégager
suffisamment d’authenticité pour que toutes les femmes de la Terre s’identifient
à l’héroïne. C’est un film sérieux, c’est une étude de caractères profonde,
c’est de la psychologie de haut niveau qu’il n’est pas question de prendre à la
légère.
Bon ! Moi, j’essaie de comprendre les subtilités des
réactions féminines. Il y a toujours à apprendre dans ce domaine.
A un certain moment, arrive cette scène dont je t’ai
parlé Raï-Ma. L’héroïne marche rapidement sur le trottoir en ville, elle manque
de glisser sur une crotte de chien et apostrophe immédiatement le propriétaire
du chien qui se trouve encore à proximité. Elle l’engueule, indignée. L’autre ne
répond pas. Cinq secondes après, on passe à la scène suivante qui n’a aucun
rapport avec celle que je viens d’évoquer. C’était simplement pour montrer que
l’héroïne est une femme de caractère. Elle sait engueuler un mec quand il faut.
Oui, mais…
Oui, mais sais-tu ce que j’ai remarqué Raï-Ma ? Une
grossière erreur dans la mise en scène qui a fait qu’à la seconde même, toute
mon attention pour le film s’est relâchée. J’ai eu brutalement conscience de
regarder un navet, un de plus. Les délicates nuances des aspects modulés du
climat amoureux génialement élaboré par le talentueux réalisateur du film me
sont apparues dérisoires. J’ai préféré sourire. Les amourettes des REH
(représentants de l’espèce, etc.) n’ont décidément pas plus d’importance que nos
pipis et cacas.
Sais-tu donc ce que j’ai remarqué Raï-Ma ? Une erreur
monumentale !
En plein milieu du trottoir, ils ont placé
effectivement une crotte de chien. Jusque là, ça va.
Ce qui ne va pas, c’est qu’ils ont placé cette crotte
dans une mare de pisse ! Je l’ai vu ! Vu de mes propres yeux !
Ne savent-ils pas que nous ne faisons jamais pipi et
caca au même endroit ? Jamais !
Le caca, c’est à un endroit. Le pipi, c’est à un
autre.
Jamais, au grand jamais, je ne fais les deux en même
temps. Il n’y a que les humains qui procèdent ainsi. Soit, ils veulent gagner du
temps, soit, ils manquent de place, je ne sais pas trop. Toujours est-il qu’une
femme ou un homme va toujours chier et pisser au même endroit. Nous, jamais !
Tu vois Raï-Ma, si certains estiment que le détail
que je viens de signaler n’a aucune importance, alors pourquoi en accorderais-je
aux autres ? Que m’importe de savoir que l’héroïne du film se bat pour l’amour
de son homme avec l’énergie du désespoir plutôt qu’en valorisant la tendresse
féminine ? Que m’importe de savoir que c’est ce petit détail de comportement
là ! qui va tout faire basculer alors qu’on place sur ma route d’autres
détails inexacts ? Comment veux-tu qu’ils réussissent à me faire envoler vers le
sublime s’ils nous font patauger dans des excréments bidon ?
Et que vient d’ailleurs faire cette scène
d’engueulade hostile à la population canine et prétendant apporter – elle aussi
– des leçons de civisme en donnant à l’actrice un rôle dépourvu de civilité ?
Une crotte toute seule est déjà glissante, alors une
crotte qui baignerait dans le pipi, tu parles !
Po-Paï
Nice, le 12/12/01

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