Inutile
Souvent Raï-Ma, je me pose la question : " Est-ce
bien utile ? "
En tout cas, si ce n’est pas utile de se poser la
question, c’est donc que c’est inutile.
J’ai remarqué que les REH se posent souvent cette
question. Quelque chose qui est utile, c’est quelque chose qui rend service, qui
est profitable. Et précisément, les humains se posent souvent cette question à
propos d’argent. Ils jugent si une chose est utile ou inutile selon qu’elle
rapporte de l’argent ou pas.
Mais toi et moi Raï-Ma…, nous n’avons pas besoin
d’argent pour vivre. Du coup, il y a des tas de choses qui paraissent utiles
pour le REH et qui pour nous, sont totalement inutiles.
Que reste-t-il d’utile alors ?
Nous considéreraient–ils comme des inutiles ces
humains ? Nous ne leur rapportons pas d’argent et dans ce cas, notre utilité
pourrait leur paraître fortement contestable.
On ne nous emmène pas à la chasse pour rapporter le
gibier donc, de ce côté-là, aucune utilité également.
Ils ne nous donnent aucun traîneau à tracter ni aucun
fardeau à porter comme le faisaient nos ancêtres. Donc nous sommes totalement
inutiles aussi dans ce domaine.
Crois-tu que nous sommes totalement inutiles Raï-Ma ?
Je commence vraiment à m’inquiéter. Et là, je
t’assure, je pense que c’est utile de s’inquiéter. C’est utile de prendre
connaissance de son inutilité. Car si c’était inutile, ce ne serait plus utile
de réfléchir à l’utilité de…
Oh la la ! J’en attrape mal à la tête !
Attends Raï-Ma, je vais demander à François. Il a une
façon de réfléchir qui permet souvent de court-circuiter pas mal de problèmes :
- Dis François…, je suis un inutile ?
- Est-ce bien utile Po-Paï de me poser cette question ?
- Pour moi, ce n’est pas inutile.
- Et bien, Tu viens de le dire : Tu n’es pas inutile.
- Non, tu déformes tout. Je disais qu’il n’est pas inutile pour
moi de savoir si je suis utile.
- Po-Paï, tout le monde sur cette Terre est utile à quelque
chose.
- Et moi, je sers à quoi alors ?
- Tu permets Po-Paï que je Te pose une question auparavant ?
- Vas-y !
- Moi, je sers à quoi à ton avis ?
- Toi François, tu es utile pour moi. Sans toi, il y a des tas de
choses que je ne pourrais faire.
- Inversement Po-Paï, il y a des tas de choses que je ne ferais
pas si Tu n’étais pas là.
- Je te suis utile alors ?
- Absolument ! Et c’était complètement inutile de poser la
question.
- Bon ! Me voilà rassuré. Je voudrais te poser une autre question
François.
- Je T’écoute…
- Inutile… Donne-moi un seul exemple de quelque chose ou
quelqu’un qui est complètement et vraiment inutile dans ce monde.
- Rien !
- Rien ?
- Rien Po-Paï. Tout ce qui existe ici-bas est utile.
- Sauf ce « rien » dont tu viens de me parler.
- Oui Po-Paï… Mais rien, c’est rien.
- C’est quand même quelque chose d’utile puisque tu l’as dit.
- Attends, attends… Laisse-moi reprendre mes esprits…
- Oui, ça me paraît utile.
- Attends Po-Paï. Tu as raison : même « rien », c’est utile.
- Oui, d’autant que tu as déjà écrit une historiette sur ce
sujet.
- Tu as encore raison. Tu vois bien que tout est utile puisque,
même lorsque je parle de rien, Tu arrives à m’en prouver l’utilité dans nos
conversations du moment.
- François, je crois qu’il serait utile d’aller la relire.
- Oui Po-Paï, ce ne serait pas inutile.
RIEN
Ils sont rares les moments où je n’ai rien à écrire
sur Po-Paï. En voilà un, par exemple. Un moment où il n’y a rien…
Rien !
Qu’est-ce que ça veut dire « rien », au juste ? En y
réfléchissant bien, il ne devrait même pas figurer au dico.
J’y regarde : il y a plein de choses. Selon qu’il est
pronom indéfini ou nom, ce n’est pas rien, le nombre de locutions utilisant un
terme signifiant « vide », « néant », « que pouic ». Voilà un sujet idéal pour
un philosophe qui s’ennuie : disserter sur rien. Serais-je à ce point devenu
pisse-copie prolixe pour être capable de raconter des tas de choses à propos de
rien ?
Admettons encore que je sois capable de baratiner à
partir de rien, cela prouve au moins que j’ai dans le crâne un rien d’activité
cérébrale.
Reprenons à la base.
J’ai dit que, aujourd’hui, il n’y a rien à écrire sur
Po-Paï. Souvent, quand il ne se passe rien chez les autres, c’est que tout va
bien. « Rien », signifierait donc, état de grâce, sérénité, calme, vie
paisible ? Tout ceci ne représente en rien, « rien ». Etre bien dans la vie,
c’est quelque chose !
D’ailleurs, en regardant de très près la définition
de « rien » dans le dico, à nouveau, je m’aperçois que « rien » vient du latin
rem, de res, chose. En latin, « rien » exprime donc une chose en particulier.
Pourquoi donc, en français, lui donnerions-nous pour synonymes « néant »,
« vide », « zéro » ? Quand nous disons qu’il n’y a rien, en réalité, c’est
l’inverse : il y a quelque chose. Mais quoi ? Rien ni personne ne le dit.
En me cassant bien la tête, j’essaie de m’imaginer où
je pourrais trouver « rien ». Même dans l’espace intersidéral, je n’arrive pas à
me représenter « rien ». « Rien » est un mot qui n’a aucune signification dans
l’absolu. C’est comme l’infini en mathématiques. J’arrive mieux à saisir le
concept du « zéro » mais rien de rien en ce qui concerne « rien ».
Comme si de rien n’était, Po-Paï me regarde pendant que j’écris des riens à son
sujet parce qu’il ne se passe rien. En un rien de temps, je saisis dans son
regard la question qu’il m’adresse :
- A quoi penses-tu ?
- A rien.
- Il n’en est rien, je te vois réfléchir.
- Oui, mais je n’ai rien d’un gars tracassé.
- Tu réfléchis donc pour rien ?
- Ce n’est rien, c’est pour le plaisir.
- Un rien te fait donc plaisir ?
- Rien à dire : je dois bien l’admettre.
- Mais, il me semblait que tu t’ennuyais quand il ne se passait
rien ?
- Un peu, mais je n’ai rien d’un dépressif.
- Je ne te reproche rien et je sais que tu n’es pas capable de
rester à rien faire.
- Alors, pourquoi m’as-Tu posé cette question, mine de rien ?
- Pour rien…
Voilà comment, mon chow-chow et moi,
nous amusons avec des riens alors que pendant ce temps, d’autres arrivent à rien
en se faisant un monde de tout.
Po-Paï
Nice, le 20/12/01
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