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Philosophie excrétrice

 

En ce début d’été 99, j’ai stoppé la rédaction de « Notre chow-chow n’est pas un chien ». Il va faire trop chaud pour parler de chow-chow. Après avoir pondu 410 pages sur Po-Paï, je me suis dit que j’avais largement fait le tour de la question.

J’ai dû réviser ma position.

Malgré moi, j’ai accumulé mentalement des tas de notes pendant trois mois. Fin septembre, je me suis remis à rédiger des historiettes. Bah ! nous prendrons moins de photos de lui, voilà tout.

 

            Vous, lorsque vous sortez avec votre chien, je ne sais pas à quoi vous pensez. En ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de me faire des remarques. En regardant, simplement. En regardant vivre un chow-chow, c’est fou ce que vous pouvez tirer de conclusions sur le mode de vie de l’être humain, c’est fou ce que vous pouvez philosopher et c’est fou ce que vous parvenez facilement à la sagesse. Socrate, Kant, Schopenhauer et d’autres, ont dû forcément rédiger tous leurs traités philosophiques en tenant un chien en laisse. Un chow-chow, de préférence. Un chow-chow asiatique. Tout le monde sait que la Chine est le berceau de toutes les civilisations et tout ce qui vient de là-bas, a un caractère sacré. Béni sois-Tu, Po-Paï le Chow-Chow de m’avoir fait bénéficier de ton influence divine qui a transformé mon être de chair et de sang en essence spirituelle capable d’exprimer la sagesse à propos de n’importe quel détail de l’Univers Infini !

            Ton caca, par exemple.

 

            Les crottes de mon chien m’ont toujours posé un problème. Il y a des tas de façons de s’emmerder dans la vie ; moi, je vais directement à la source. « Aller à la selle » constitue le seul et véritable critère pour juger le degré d’évolution d’une civilisation. Vous n’avez jamais pensé à faire ce type d’observation ? C’était pourtant facile !

Dans les peuplades primitives, on chie n’importe où, n’importe quoi et on ne se torche pas le cul. Sous Louis XIV, je ne sais pas exactement, je ne suis jamais allé voir. De nos jours, dans les pays économiquement favorisés, on s’isole, on regarde à la loupe dans la cuvette la consistance du rejet pour vérifier son état de santé, on utilise du papier hygiénique et on n’oublie pas de parfumer le local avant de sortir. Certaines toilettes individuelles sont même équipées d’un rince-doigts, lequel, en réalité, permet de rincer tout le reste. La cérémonie de défécation est un signe intérieur de richesse.

            La façon de déféquer est devenue un véritable indicateur sociologique. La valeur de cette étude sociologique réside aussi dans la consistance des excréments. J’ai lu récemment dans un journal que des boues d’épuration d’eaux usées avaient été utilisées pour la fabrication des farines alimentaires pour animaux. J’avais donc raison de subodorer que les croquettes étaient fabriquées à partir de merde. Au point où ils en sont, ils feraient mieux de donner à leurs croquettes la forme de crottes. Autant raccourcir un maximum les circuits de fabrication. Je verrais bien un prélèvement directement à la cuvette des chiottes et un dépôt immédiat dans la gamelle du chien sans même sécher les « croque-merde ».

 

            J’ai toujours éprouvé des scrupules en regardant Po-Paï faire ses besoins. J’ai tâché d’imaginer un système qui pourrait respecter la qualité de vie de chacun. Il n’est vraiment pas agréable de prendre sa voiture sur le parking et d’écraser la pédale de son embrayage avec une crotte collée à la semelle. Il n’est pas agréable de voir son enfant jouer sur un malheureux carré de pelouse pas plus grand qu’un timbre-poste et de savoir qu’il risque de marcher « dedans ». Il n’est pas agréable d’avoir des odeurs nauséabondes sous son balcon, relents de souillures que le soleil met davantage en valeur. Il n’est pas agréable de voir le chien d’un autre se soulager en plein milieu du trottoir où vous avez envie de passer. Il n’est pas agréable de savoir que l’on paye des impôts pour des sagouins qui vous inondent de merde.

 

            Alors que faire ?

 

            Compte tenu de l’espace de vie auquel je suis obligé de me cantonner actuellement, j’ai cherché à imaginer une organisation capable de préserver l’environnement et capable de tolérer les toutous. Je la vois sous forme associative sachant que les pouvoirs publics font déjà de réels efforts dans ce sens.

 

            Je mettrai en place cette association bientôt. Auparavant, il faut en rédiger les statuts, donc utiliser du papier. Vous ferai-je remarquer sournoisement que pour les chiens, l’opération se passe en sens inverse ? Pour rester propre en allant aux toilettes, nous utilisons le papier après ; pour les chiens, c’est avant…

 

            Voici donc ces fameux statuts en avant-projet.