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Les croquettes ne devraient intervenir qu’en dépannage. C’est bien pratique en effet, mais les croquettes ne devraient intervenir qu’en dépannage. Elles sont ceci, elles sont cela, elles n’ont pas tel inconvénient ou encore tel autre mais, les croquettes ne devraient intervenir qu’en dépannage. Elles sont incroyablement bien dosées, scientifiquement équilibrées, magiquement et suprêmement béatifiques, magiques, « trucmachinchiques », pourtant, les croquettes ne devraient intervenir qu’en dépannage.
Depuis que l’été est passé, nous fermons plus fréquemment les fenêtres de l’appartement. A chaque fois que je pénètre dans la cuisine, j’ai un haut-le-cœur. Une odeur nauséabonde m’agresse et commande à mon estomac d’expédier sur-le-champ tout son contenu car il y a péril en la demeure. Heureusement, jusqu’à présent, j’ai réussi à ne pas vomir. L’explication, c’est que le grand sac de croquettes de Po-Paï se trouve dans la cuisine et l’explication, c’est que Catherine ne le ferme pas toujours bien. Un nuage toxique d’AM32 (c’est le référence des croquettes, je vous le rappelle) envahit la pièce comme le ferait le champignon de la bombe atomique. Toute personne pénétrant à l’intérieur du local se trouve irradiée instantanément, asphyxiée sans espoir de réanimation ou au mieux, traumatisée à mort et mutilée pour le restant de ses jours. Sauve qui peut ! Danger de mort ! Sauvez le Monde !
D’aucuns prétendront encore que j’exagère et que ma plume d’écrivain me permet de décrire dramatiquement ce petit fait anodin comme s’il s’agissait d’un tableau psychédélique générant l’angoisse caractéristique des romans de science fiction. Je leur répondrai, à ceux-là, qu’ils n’ont pas beaucoup d’imagination dans leur nez. C’est parce qu’ils ne vivent pas la situation et donc, ils ne se rendent pas compte de l’ambiance pestilentielle dans laquelle je vis à cause de ces envahissantes croquettes. Que vous le vouliez ou pas, cette odeur, cette vilaine odeur, est déjà une indication. Une indication pas très en faveur des fabricants de croquettes. Je ne devrais pas trop insister là-dessus car bientôt, ils vont nous les parfumer avec des essences artificielles comme ils le font déjà avec les yaourts.
Comment s’étonner qu’un chien n’ait pas mauvaise haleine après avoir ingurgité cette ignominie de croquette ? Comment s’étonner qu’il nous lâche des pets malodorants ? C’est une indication, ne riez pas, et vous en voulez une preuve récente ?
Il y a quelques jours, je lui ai donné dans la journée des os de poulet préparé au curry, ce superbe assaisonnement indien composé de piment et d’autres épices pulvérisées qui parfument les nombreux plats dont vous vous délectez. Je n’en ai rien dit à Catherine. Rentrée le soir, elle a immédiatement détecté dans le salon une odeur de curry. Vous ai-je précisé que Catherine est un « nez » ? Elle a un odorat très fin, capable de distinguer au moins dix nuances subtiles qui se situeraient entre le Chanel n° 5 et le n° 6 (il faudra donc commercialiser pour elle, le 5,1 ; le 5,2 ; etc.). Cette émanation qu’elle a détectée n’était pas celle des os de poulet puisque je les ai donnés à Po-Paï en début d’après-midi, sur le balcon, à l’extérieur. Ce ne pouvait être des odeurs de cuisine qui imprègnent l’appartement puisque je ne fais jamais la cuisine (j’ai ramené ces os de l’extérieur). Cette odeur de curry avait donc disparu depuis longtemps. Si elle est réapparue le soir, c’est parce qu’elle a séjourné dans l’estomac de notre toutou chéri, qu’elle a transité dans ses intestins et qu’elle est tout naturellement ressortie par un endroit névralgique que nous possédons tous et par où sortent, ce que nous appelons pudiquement, des vents. Po-Paï pétait au curry !
Qu’une telle révélation vous pète à la figure, je le conçois. « You are what you eat » disent les Américains. Dorénavant, vous saurez que votre style de vie et votre personnalité seront révélés par les émanations qui vous sortent de l’anus, comme mon chien.