La musique des mots

 

            Il est cinq heures du matin, nous sommes dimanche. Po-Paï, affalé de tout son long sur le tapis, termine sa nuit. Pour ma part, je commence ma journée, c’est-à-dire que je me suis installé pour écrire. Tâchons de ne pas faire trop de bruit pour respecter le sommeil du chow-chow. Si je suis un jour, chow-chow dans une autre vie, je ferai l’inverse : je ferai du bruit, c’est-à-dire que je ronflerai pour que mon maître puisse être inspiré par ma musique.

 

            Musique : voilà, en effet, la source d’inspiration de ce matin. J’aime bien celle de Mozart pour créer une ambiance de rêverie, chacun ses goûts. Il est fascinant de constater, dans la composition musicale, quel est le nombre de sensations différentes que l’on peut obtenir à partir de 7 notes de base. Ces malheureux « do, ré, mi, fa, sol, la, si » associés entre eux, permettent des morceaux mélodieux que nous réceptionnons avec des émotions très variées. Pour l’instant, pas la peine d’épiloguer là-dessus car la biologie va bientôt se charger de nous expliquer tout ceci très scientifiquement. Contentons-nous d’apprécier en savourant encore le mystère et la magie créés à partir de ces 7 petites notes anodines.

 

            Alors, dites-moi pourquoi il me faut 60 mille mots pour l’écriture (c’est le contenu d’un dictionnaire normal) ? Pourquoi me faut-il dix mille fois plus d’éléments pour sensibiliser ? C’est injuste.

            Avec 7 mots simples, je devrais être capable de tout résumer. Prenons, par exemple, la phrase :

            « Po-Paï, Tu es un très joli chow-chow. »

            Il y a bien 7 mots. Exactement le nombre de notes. Même si j’intervertis les mots pour les placer dans un ordre différent, je n’arrive pas à avoir autant de nuances qu’en musique. Essayons pour voir :

            Tu es un très joli chow-chow, Po-Paï.

            Un très joli chow-chow, Tu es, Po-Paï.

            Po-Paï, un très joli chow-chow Tu es.

            Po-Paï, Tu es un chow-chow très joli.

            Tu es un chow-chow très joli, Po-Paï.

Chow-chow Po-Paï, tu es un très joli (il faudrait rajouter « en » ou supprimer « un »).

Un très joli chow-chow, Po-Paï, Tu es (à la rigueur).

Je ne vois pas d’autres combinaisons. Je ne vais tout de même pas vous servir un :

« Joli très un Tu es Po-Paï, chow-chow. »

Il y a des fantaisies que l’on peut faire en musique mais que la langue française n’admet pas.

En fait, cette simple phrase de 7 mots résume l’ensemble des livres que j’ai consacrés à Po-Paï jusqu’à ce jour. Expliquez-moi donc pourquoi il m’a fallu plus d’un million de mots pour exprimer pareille idée ? Avec seulement 7 notes de musique, Mozart a su concevoir une œuvre prodigieuse. Vous aurez beau m’expliquer qu’il y a les dièses et les bémols, je ne comprendrai pas beaucoup mieux. Même si vous me faites remarquer qu’il est très prétentieux de ma part de me prendre pour le Mozart de l’écriture, il n’en reste pas moins que cette énigme n’est pas résolue.

 

Ce serait pourtant bien pratique d’exprimer des milliers d’idées uniquement avec 7 mots. Je me suis amusé à en faire la démonstration mathématique, un jour. J’ai ainsi abouti à la conclusion suivante : avec 38 mots clés, un cerveau humain devient saturé !

Pas question d’en faire le développement dans ce livre consacré à Po-Paï. Je pourrai envoyer la démonstration aux quelques-uns uns qui s’intéresseront à la question. Pour l’instant je ferai comme tout le monde, je piocherai dans les 60 mille mots proposés par le Larousse.

 

 

Je ne retiendrai qu’une seule chose : les plus jolies mélodies sont les plus simples à retenir.