Chasse aux mimis au clair de lune

 

            La nuit suivante, j’ai été réveillé par Po-Paï à 1 heure. Il souhaitait sortir. Nous sommes sortis.

            Il est temps que Catherine rentre sinon elle va retrouver un pauvre gars hagard qui devra d’urgence faire une cure de sommeil. Voilà trois nuits consécutives au cours desquelles je n’ai pas totalisé huit heures de repos normal. Je pourrai me vanter d’avoir passé des nuits blanches pendant l’absence de ma femme et d’avoir fait la java. Catherine sort de clinique aujourd’hui et avec elle, tout rentrera dans l’ordre.

 

            Me voilà donc sur la pelouse toute fraîche, en pleine nuit encore. Le ciel s’est dégagé et j’ai droit au magnifique spectacle d’une pleine lune. Pour s’extasier devant de telles merveilles naturelles, il faut sortir, vous avez remarqué ? Si vous restez à l’intérieur d’un appartement, vous avez tendance à moins le remarquer. Surtout si, en plus, vous dormez.

Po-Paï a débusqué un chat et lui court après. Cette chasse aux mimis ne le mènera pas loin car cet espace est clôturé. Et de toute façon, Po-Paï est devenu trop lourd pour grimper aux arbres. Et de toute façon, il ne grimpait pas aux arbres avant non plus. Et de toute façon encore, je m’en fous complètement car je suis trop fatigué pour réagir.

Qu’il soit bien content, ce chow-chow, que j’aie accepté de me lever. J’en connais bien d’autres qui l’auraient envoyé roupiller dans un coin ou qui, tout simplement, ne se seraient même pas réveillés. Seulement voilà : Po-Paï a maintenant l’habitude de me voir déambuler en pleine nuit alors, un peu plus, un peu moins…

De toute façon, je ne m’estime ni heureux, ni malheureux. Je me sens même plutôt bien. Ce clair de lune, ce beau temps revenu, ce calme, cette solitude, ce joli chow-chow et…, et… Catherine qui revient dans quelques heures. Je me sens bien. Pourquoi chercher à comprendre autre chose ?

 

            Je me sens tellement bien que je regarde dans les fourrés s’il n’y a pas d’autres mimis à débusquer. Ils détalent tellement vite que Po-Paï n’a même pas le temps d’amorcer une galopade. Je vais lui montrer comment il faut faire. Attends voir !

 

            Je me mets à quatre pattes et commence à avancer avec précaution. Po-Paï doit encore me prendre pour un doux dingue. Si j’attrape un coup de griffe sur la figure, je l’aurai bien mérité. Catherine pensera que j’ai connu des déboires avec une femme pendant son absence au cours de mes javas. Si je lui raconte la vérité, c’est-à-dire que j’ai connu un accident de chasse, elle me prendra pour un fou. Il est donc préférable qu’elle pense que l’une de mes maîtresses s’est rebiffée.

            Chasser aux mimis au clair de lune…

            Tous ceux qui n’ont pas de chow-chow, ne peuvent connaître ce plaisir rare. Ils sont obligés de payer très cher des safaris organisés en Afrique où suspense et imprévus sont totalement absents. Pas besoin d’aller loin pour connaître l’aventure. A la condition expresse d’être en compagnie d’un  chow-chow.

 

            J’ai entendu un nouveau-né pleurer dans un appartement éclairé au rez-de-chaussée. Rage de dents vraisemblablement. Les parents sont réveillés en pleine nuit, comme moi. Ils ont sommeil, comme moi, mais ne donneraient-ils pas une fortune pour être plutôt à ma place ? Etre allongé dans la pelouse, au clair de lune, attentif à débusquer des proies pour que Po-Paï le chow-chow puisse jouer avec elles.

            Je souris à pleines dents en pensant à mes facéties de garnement. A pleines dents… comme le loup-garou les nuits de pleine lune. Comme le loup-garou qui risque une nuit de se prendre une décharge de fusil de la part d’un voisin peureux qui croira avoir affaire à un rôdeur, un maniaque, un loufoque ou un obsédé.

            Je me relève, très digne, et intime à Po-Paï l’ordre de rentrer. Po-Paï a fait un détour pour rendre visite au nouveau-né qui pleurait. Je l’en ai empêché en l’engueulant. Il s’est roulé, les quatre pattes en l’air, sur le gazon pour se sécher à cause de la rosée. Je l’ai engueulé en silence (c’est toute une technique, je vous expliquerai). J’ai admiré une dernière fois le clair de lune. Nous sommes rentrés aussi calmement que possible pour ne pas réveiller les autres. Je me suis fait 2 cafés et j’en ai bu 3, au diable l’avarice ! Je me suis mis à écrire. Po-Paï m’a dérangé parce que sa gamelle d’eau était vide. Je me suis remis à écrire. Po-Paï a voulu sortir sur le balcon. J’ai ouvert la baie vitrée pour que Po-Paï puisse sortir sur le balcon et me suis remis à écrire. Po-Paï a voulu rentrer. J’ai rouvert la fenêtre (que j’avais fermée car à 1h30 du matin il ne fait pas si chaud que cela) pour qu’il puisse rentrer. J’ai terminé la phrase que j’étais en train d’écrire. Je me suis levé pour faire un câlin à Po-Paï qui n’en demandait pas mais moi j’avais envie de lui en faire un. Je me suis remis à écrire. Je n’ai vraiment plus sommeil. Je bois trop de café. Vers 5h30, je sortirai à nouveau Po-Paï.

            M’en fiche ! Catherine revient dans quelques heures.

 

 

            Qu’est-ce que vous ratez, vous, en dormant la nuit !