(Voici l’historiette n° 600 dont je vous ai parlé au cours de mon exposé.)

 


Po-Paï et la Bible

 

            La Bible : voilà un bouquin qui a failli devenir plus volumineux que « Notre chow-chow n’est pas un chien ». En tout cas, il est bien plus compliqué et il a été revu et corrigé 36 mille fois. Ils l’ont appelé Ancien et Nouveau Testament, les textes ont été divisés avec des tas de codes, des titres de chapitres ou passages et des chiffres, de telle sorte que j’arrive à ne plus rien y comprendre. Moi, pour mon bouquin, j’ai tout simplement numéroté dans l’ordre : tome 1, tome 2, etc.

            Pas question de naviguer dans tout ce fatras. Po-Paï le chow-chow va vous dévoiler sa technique appelée « prise d’échantillon ». Comme les statisticiens, je vais prendre un seul exemple, l’étudier et appliquer les résultats obtenus à tout le reste de la population. Une vie entière ne suffirait pas à décortiquer la Bible et je ne m’étonne plus que certains en fassent un sacerdoce. Moi, en tant que chow-chow, je dispose de moins de temps qu’un curé donc je suis forcé d’aller plus vite.

 

            Pour exemple, je prends « La Cène » de Léonard de Vinci. Ce tableau peint aux alentours de l’an 1500 est censé représenter le dernier repas de Jésus-Christ pris en compagnie de ses apôtres, la veille de sa Passion, au cours duquel il institua l’eucharistie. Ce qu’ils appellent « Passion » représente l’ensemble des événements de la vie de Jésus, de son arrestation à sa mort. Moi le chow-chow, j’ai rien contre.

            J’ai bien contemplé ce tableau en mettant la tête de côté (comme sur le tableau que m’a peint François et intitulé « Qu’est-ce que tu me dis ? »). Je peux vous dire justement que je suis très perplexe. En effet, j’ai bien compté : ils sont 13 à table ! Je ne suis pas superstitieux parce que ça porte malheur mais tout le monde vous dira qu’on ne se met jamais 13 à table ! La vie de Jésus ne pouvait que mal tourner. Pas étonnant qu’il n’y ait que des drames dans cette Bible !

 

            Fallait-il s’appeler Po-Paï pour être capable de faire une telle révélation et pour que cette révélation vous éclate à la figure ? Si vous aviez bien analysé la scène, vous auriez tout de suite vu que La Cène ne peut qu’entraîner des problèmes. Soyons raisonnable enfin ! C’est si facile de ne pas être avec un effectif de treize. Si encore je voyais un chien sous la table comme c’est fréquemment le cas avec des gens de bonne volonté, je pourrais à la rigueur le comptabiliser dans le lot et dire qu’ils sont 14. Mais rien ! Pas un cleps, pas un nonos à refiler dis donc ! J’ai bien regardé : ils n’ont que du pain et du vin sur cette table. Comment voulez-vous que cela ne leur porte pas la poisse !

            C’était facile d’éviter tous les problèmes, il suffisait de ne prendre que 11 apôtres. Et si Jésus avait supprimé Judas, c’était encore plus facile. Plus de dénonciation, plus de crucifixion et… peut-être plus de Bible également car plus rien de passionnant à raconter (ah ! voilà d’où vient le terme « Passion »).

 

            Résumons. En ne prenant que 11 apôtres, Jésus évitait d’arriver au fatidique chiffre « 13 ». En repérant ce faux-cul de Judas et en le renvoyant chez sa mère, Notre Seigneur n’avait plus que 10 apôtres. Dans ce cas, il n’y a plus rien à raconter et donc, il n’y aurait pas eu de bouquin appelé La Bible ?

            Pourtant, j’ai réussi à en faire un moi, de bouquin, avec 10 apôtres seulement. Il s’agit du tome 6 de « Notre chow-chow n’est pas un chien » et mes apôtres s’appellent respectivement : Léa, Ophélie, Pao Paï, Mel Fy, Ma Y Fee, Prunèle, Raï-Ma, Pouchka, Peï-Linh et Modan. Avec tous mes copains chows-chows, j’aurais pu aussi peindre une scène plus saine que La Cène. Elle aurait eu cette allure-là :

 

 

            En vérité, je vous le dis, cette scène avec ma frimousse auréolée au milieu de ma bande de copines et copains a une ambiance tout aussi mystique que celle avec Jésus-Christ.

            En vérité je vous le dis, l’atmosphère de notre réunion est bien plus saine puisqu’il n’y a pas une seule goutte de vin sur la table, contrairement aux autres (la bande des 13). Il y a quelques croquettes par-ci, par-là sur la nappe mais elles sont trop petites pour être perçues sur l’illustration.

            En vérité, je vous le dis, si Jésus avait invité à sa table plus de femmes, il aurait eu moins de problèmes. Aujourd’hui, une telle réunion serait cataloguée de « macho » et serait dénoncée pour manque de pluralité. Par contre, dans notre assistance, je compte pas moins de 9 femelles : Léa, Ophélie, Mel Fy, Ma Y Fee, Prunèle, Raï-Ma, Pouchka, Peï-Linh et Modan. Ecrasante majorité féministe !

 

            Juste à ma gauche, il y a Pouchka. Si elle porte des lunettes noires ce n’est pas pour ressembler à Judas, rassurez-vous. Chez nous les chows-chows, il n’y a pas de Judas, la notion de trahison n’existe pas. Nous ne savons pas ce qu’est la fourberie, la délation, la dénonciation, la sournoiserie ou l’hypocrisie. Dans notre monde, il n’y a pas de coup bas, de mesquinerie et de vilenie. Par conséquent, nous n’avons pas besoin d’inventer des miracles, d’imaginer du merveilleux et de croire à un Esprit Supérieur Rédempteur chargé de nous sauver. Le miracle, je le vis tous les jours en connaissant le bonheur aux côtés de Catherine et François. Le sensationnel et l’extraordinaire, je peux les vivre à chaque instant grâce aux facéties de mon pote François. La plénitude et l’amour inconditionnel, je sais parfaitement ce que c’est grâce aux comportement de Catherine la madone. Pourquoi diable voulez-vous que j’aille inventer une Bible ? La mienne existe, elle s’appelle « Notre chow-chow n’est pas un chien ».

 

            Je vous disais donc que Pouchka est la seule à porter des lunettes de soleil. Comme par hasard, elle se trouve exactement à la place que Léonard de Vinci a choisie pour Judas. Ceci ne signifie pas du tout que Pouchka s’apprête à me trahir. L’explication est toute simple : c’est parce que, parmi toutes mes copines et mes copains, Pouchka est la seule à habiter le plus au sud. Elle habite Cap d’Agde très précisément et le soleil cogne très fort dans ces régions. Elle souhaite jouer à la star et peut-être souhaite-t-elle me vamper, qui sait ? Elle cache sans doute un merveilleux regard. Voyons d’un peu plus près :

 

 

            Oui, un jour j’irai voir de très près.

 

            Par acquit de conscience, j’ai pris une Bible et je l’ai feuilletée. L’ouvrage est intitulé : « Le Saint Evangile ». J’ai vu qu’il y avait eu plusieurs ouvrages de rédigés et appelés les 4 Evangiles. On les a écrits entre les années 70 et 100. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Moi, quand je fais quelque chose, François se met tout de suite à écrire pour le raconter immédiatement. C’est du reportage en temps réel pratiquement, on baigne encore dans l’ambiance et surtout, c’est une manière efficace pour rapporter l’authenticité des faits. Si François attendait trop longtemps, les souvenirs s’estompent dans la mémoire. Quand on raconte les anecdotes quelques mois ou quelques années après, on déforme obligatoirement la vérité, même si on ne le souhaite pas. C’est alors que l’imagination de l’écrivain entre en action et voilà comment on se retrouve avec un ouvrage romancé qui ne correspond plus du tout aux faits réels. Mais qui peut le prouver puisque tellement de temps s’est écoulé ?

            Moi Po-Paï, à l’heure où je rédige ce tome 7, je puis vous prouver tout ce que je raconte. Vous venez me voir et je vous fais toutes les démonstrations correspondantes. Par exemple, si vous souhaitez vivre une panne d’ascenseur avec moi, vous allez effectivement en avoir plein les narines. Par contre, si je vous raconte cette histoire dans 5 ou 10 ans, j’aurai sans doute honte de moi et je vais chercher à me glorifier. Mes prouts de l’ascenseur auront alors un parfum de rose. Tout est dans la manière de raconter.

 

            On me dit par ailleurs que les 3 premiers Evangiles ont été rédigés par les saints Matthieu, Marc et Luc. Ces ouvrages sont dits « synoptiques » car ils narrent les mêmes événements souvent dans le même ordre. Mais si ces trois-là ont travaillé chacun dans leur coin pour faire la même chose, pourquoi ne se sont-ils pas associés ? On ne dit rien à propos du quatrième évangéliste, Jean. Son interprétation des faits est-elle à ce point personnelle ? D’autre part encore, ils étaient 12 apôtres au départ, non ? Pourquoi les 8 autres ne se sont-ils pas mis à écrire aussi ? L’œuvre la plus intéressante aurait été sans nul doute celle de Judas le perfide. De nos jours, pour percer en littérature, bien souvent, il faut raconter les pires saloperies.

 

 

            Je n’y comprends plus grand chose à la façon dont cette Bible a été construite. Je peux très bien l’imaginer, par contre, si vous me demandiez de bâtir un scénario. Je ne le ferai pas car je préfère me concentrer sur cette jolie Bible que me construit actuellement François et dans laquelle le Saint Esprit a pour nom Po-Paï.

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